Chemin d’art offre une nouvelle fois au public une sélection d’artistes contemporains différents dans leur démarche mais rassemblés dans un projet bien défini. Ce dernier consiste à  s’inspirer d’un lieu, Saint-Flour, comme genèse de création. Les artistes sont invités à prendre possession d’un lieu sanflorain, soit comme incitateur, soit comme lieu de présentation d’une pièce en  affinité avec l’endroit choisi.
Cette année, la sélection s’est portée aussi bien sur des artistes nationaux qu’internationaux. Se côtoient ainsi jeunes artistes débutants, originaires ou non de la région Auvergne et artistes confirmés ayant déjà exposé dans les lieux bien identifiés comme la biennale de Venise, la Tate Moderne de Londres ou le centre Georges Pompidou. A ceux qui connaissent ou qui découvrent Saint-Flour et sa campagne, Chemin d’art  donne à voir des regards, des points de vue sur un lieu  fortement empreint de nature, de géologie et d’histoire. Comme hier, quand des artistes d’origines variées allaient de château en château proposer leur art et ainsi renouveler les styles, les artistes de Chemin d’art ouvrent à leur tour de nouveaux horizons esthétiques et artistiques.
 
 
 
André Maigne a choisi cette année le cimetière, avec un arbre mort dressé, comme le mat d’une frêle embarcation perdue au milieu des mers. Ici, ce n’est pas la mer qui brille de mille reflets, mais l’arbre entièrement recouvert de facettes réfléchissantes. Arbre symbolisant à la fois la mort et la vie, cette œuvre, selon le point de vue d’où on la regarde, pousse le spectateur à la réflexion existentielle comme une vanité nous donne à voir bien au-delà de la simple ressemblance.
 
François Davin a investi le lit de l’Ander, au Pont Vieux, avec une pièce qui, à bien des égards, reprend la forme des sarcophages en pierre de l’époque médiévale. A l’inverse de ces derniers, la pièce de Davin est pleine de galets, tenus entre eux par une armature métallique ; pas de place pour un quelconque corps. Il s’opère avec l’environnement un délicat dialogue entre une forme manufacturée, un gabion, et un lit de rivière laissé au caprice de la nature. Non loin de l’ancienne loge de la recluse, qui était enfermée et devait prier pour la ville de Saint-Four et ses habitants, Davin travaille la notion d’enfermement non comme une césure mais comme une opposition ; opposition des cailloux libres aux cailloux contenus et rangés dans leur résille de métal.
 
Le travail d’Alexandra David se décline en affiches. Elle investit les panneaux d’affichage publicitaire. Conception graphique qui joue avec le nom Saint-Flour, qui prononcé à l’anglaise signifie sainte-farine ! Alexandra David aime l’absurde et le révèle avec bonheur.
 
Thierry et Valérie Teneul, ont pris place au calvaire. Emplacement que tout le monde perçoit mais que peu de personnes fréquentent depuis la fin des rites processionnels. De loin, la structure architecturale édifiée ressemble au célèbre viaduc de Garabit, à ceci près qu’il s’élance à la conquête d’un espace bien trop important pour cette frêle construction en rondins. Sur site, l’œuvre n’a rien de rectiligne mais épouse les formes aléatoires du terrain en pente et ainsi, permet au spectateur de déambuler entre les arches d’un viaduc qui invite à la rêverie. Les Teneul ont dédié leur oeuvre aux anges ! Ils questionnent les rapports entre l’homme et la nature en arpenteur du monde.
 
 Les deux artistes qui suivent développent des démarches qui utilisent des éléments naturels et traitent ainsi de nos rapports complexes avec la nature.
 
Cécilia Paredes, qui représenta le Costa Rica à la dernière biennale d’art contemporain de Venise, présente une œuvre tout en délicatesse, suspension d’une structure de brindilles de gorgones noires qui, par un jeu de lumière, semble être soulevée par sa propre force. Elle la qualifie de tapisserie. Paredes rend un hommage à une nature certes fragile, mais forte de sens pour qui sait la travailler.
 
Isabelle Tournoud s’est imprégnée de l’histoire des recluses de Saint-Flour. Sa recluse est immaculée. Entièrement fabriquée en éléments naturels et qui plus est en monnaie du pape, elle présente ce « miracle de la nature » derrière  une grille, au sein d’un espace sombre, qui par un jeu de lumière, fait, de ce que l’on peut appeler une robe, une vision. Se présente ainsi à nous un corps de recluse quasi immatériel.
 
Pierrick Sorin, fidèle à cette manifestation, présente une de ses vidéos de la série des « projets d’artistes » qui, par la dérision, s’amuse du monde de l’art contemporain et révèle ainsi au public que les artistes, au moins lui, ne sont pas dupes du caractère parfois artificiel de ce milieu. Ce qui nous rassure, c’est que cela le fut de tout temps !
 
Mathieu Rouget est un peu la nouveauté de Chemin d’art 2006 de par la série de pièces photographiques qu’il présente sur Saint-Flour et sa campagne. Ce jeune artiste qui réside dans l’Allier, aime à dire qu’il pratique la photographie comme la peinture. En cinq clichés retravaillés, il donne à voir et à comprendre un nouveau monde ; le monde n’est pas horizontal, ni rond, mais carré, avec au centre le ciel. Bien plus fort que Copernic, le monde nous entoure comme un cadre de fenêtre. Mathieu Rouget tente une nouvelle perspective. Son monde est une grotte où les ombres convergent vers la lumière céleste. Il déconstruit notre vision du monde et la place de l’homme en est profondément modifiée. Le réaménagement spatial qu’il nous propose invite le spectateur à réfléchir sur la relation entre l’humain et son environnement.
 
 
Chemin d’art 2006 est un excellent cru. Si par le passé le cours du monde était au centre des démarches, cette année c’est l’Homme qui est en question. Les différents questionnements proposés sont autant de portes, d’étapes initiatiques sur le chemin de la lumière, celle qui permet de voir autrement un monde ni plus, ni moins complexe qu’avant, mais que nous ne savons plus, peut être, regarder.
 
 
Christian Garcelon
Inspecteur et conseiller arts plastiques
DRAC d’Auvergne